Un peu d’histoire

Voici un petit résumé de l’histoire du kamishibai inspiré des recherches de Tara McGowan. Tara MacGowan est à la fois conteuse, autrice, et une artiste visuelle qui pratique le kamishibaï depuis plus de vingt ans. Elle a fait des recherches de grande qualités sur l’histoire du kamishibaï, et m’a autorisé à traduire cet article disponible sur l’Ohio State University. Elle est actuellement co-directrice du World Kamishibai Forum. Bonne lecture !

Inventé au Japon, le kamishibaï est un puissant moyen de communication non numérique. Le kamishibaï est né d’une combinaison entre certaines formes théâtrales et narratives traditionnelles japonaises, et les premières techniques médiatiques cinématographiques arrivant de l’étranger.

Le premier kamishibaï a été inventé au début du 19e siècle. Il contenait des marionnettes en papier, appelées « tachi-e », qui pouvaient être retournées soudainement pour donner l’impression que les personnes qu’elles représentaient avaient bougés. L’animation des marionnettes « tachi-e » s’inspirait des premières techniques cinématographiques des lanternes magiques « Utsushi-e », qui utilisaient une source de lumière pour projeter des images (diapositives de verre fixes ou mobiles) sur un mur ou un écran. Les spectacles de lanternes magiques sont devenues populaires dans le monde entier et ont été les précurseurs du film à bobine. Lien : Vidéo de Lanterne Magique « Utsushi-e« 

Une marionnette « tachi-e » typique (The Kamishibai Classroom, p. 11)

Cette forme de « kamishibaï », appelée plus tard « tachi-e », ou « images debout », est devenue populaire au 19e siècle et était pensée comme une version miniature du théâtre kabuki ou bunraku. De nombreuses histoires jouées avec ces marionnettes étaient basées sur des œuvres dramatiques que le public connaissait grâce à ces grandes productions théâtrales.

kamishibaï-ya du 19e siècle (The Kamishibai Classroom, p. 4)

En 1929, trois artistes de rue kamishibaï « tachi-e » se sont réunis et ont inventés un nouveau type de kamishibaï, inspiré du dernier média mondial : le film muet. Ce kamishibaï, appelé « hira-e » ou « images plates » est le format que la plupart des gens connaissent aujourd’hui sous le nom de kamishibaï, utilisant des planches illustrées.

Les films muets sont arrivés au Japon vers 1910 mais ils étaient rarement muets, car il étaient souvent accompagnés d’un interprète. Celui-ci offrait des dialogues divertissant, et expliquait les différents contextes culturels des films étrangers (Dym, 2003). Ces narrateurs de films, appelés « benshi » sont devenus des célébrités. Les artistes de kamishibaï de rue des années 1930 ont imités leurs styles vocaux, ont copiés les techniques visuelles et les intrigues des films populaires. Le nouveau kamishibaï était au cinéma, ce que l’ancien kamishibaï avait été aux formes populaires du théâtre traditionnel.

Les artistes de rue, appelés « gaitō kamishibaï-ya » se déplaçaient généralement d’un quartier à l’autre, avec leurs castelets attachées à l’arrière de leurs vélos. Ils vendaient des bonbons et autres friandises à un public d’enfants avant les représentations, et c’est ainsi qu’ils gagnaient leur vie. Les artistes qui écrivaient les kamishibaï, segmentaient leurs histoires en épisodes. Chaque jour, les interprètes de kamishibaï louaient les nouveaux épisodes. Certaines séries célèbres, telles que Ogon batto : la « chauve-souris dorée », sont composées de centaines d’épisodes, qui ont ensuite été adaptées pour la télévision.

Kamishibai de rue au XXe siècle (The Kamishibai Classroom, p. 6)

De 1930 à 1950, le kamishibaï était la forme de divertissement la plus populaire pour les enfants, à tel point que lorsque la télévision est arrivée au Japon dans les années 1950, on l’appelait « denki kamishibaï » (kamishibai électrique).

Bien que le kamishibaï de rue soit la forme la plus fréquemment mentionné dans l’histoire du kamishibaï, à partir du début des années 1930, les éducateurs et les missionnaires avaient remarqué la faculté du kamishibaï à attirer et retenir l’attention des enfants. Ils ont commencé à publier des kamishibaï éducatifs et religieux. Pendant la Seconde Guerre mondiale, le kamishibaï était devenu aussi important que le cinéma, la radio et d’autres médias de masse. Il a été utilisé pour diffuser le programme du gouvernement militariste, et convaincre les gens de tous âges que la lignée impériale était une figure divine (Orbaugh, 2014). Ces kamishibaï de « politique nationaliste » ou de propagande, s’adressaient à des publics de tous âges et dans toutes les langues des territoires occupés. Le kamishibaï avait un impact plus important que le film et la radio, car il pouvait être transporté dans des régions éloignées, hors d’atteinte des ondes et dépourvues d’électricité.

Une leçon importante à tirer de cette brève histoire du kamishibaï, c’est que le kamishibai n’est pas un genre littéraire, même si ces dernières années au Japon le folklore est devenu un genre particulièrement populaire pour les kamishibaï publiés. Le Kamishibaï est une forme de spectacle, un outils de médiation, qui peut être adapté à n’importe quel genre ou contenu et pour n’importe quel public ou groupe d’âge. Au Japon aujourd’hui, l’un des genres préférés des kamishibaï « artisanaux » (tezukuri) consiste à raconter des histoires personnelles et des histoires locales. Des festivals de contes kamishibaï ont lieu chaque année au Japon, où des personnes de tous âges se rassemblent pour raconter leur propre kamishibaï. Les conteurs travaillent également fréquemment avec des personnes âgées en maison de retraite, pour écrire des kamishibaï sur leurs récits de vie, afin d’enseigner aux jeunes générations l’histoire de leurs familles et de leurs communautés. Des efforts sont actuellement en cours pour écrire des kamishibaï à partir de l’expérience des survivants du tremblement de terre et du tsunami de Tohoku de mars 2011, afin d’aider à reconstruire et à guérir ces communautés, grâce au partage d’histoires.

Source : Tara McGowan – Ohio State University